L’innovation au service des terres viticoles et du sol, l’exemple de Starfish Bioscience
Les micro-organismes du sol sont essentiels pour les services écosystémiques du sol. Dans les vignobles, les écosystèmes fragiles sont affectés par le manque de rotation des cultures, le labour du sol et l'utilisation de produits chimiques. Starfish Bioscience, une jeune start-up de Bordeaux, vise à restaurer les écosystèmes microbiens des sols viticoles en développant des produits pour rétablir les bactéries clés du sol. La technologie brevetée de l'entreprise repose sur l'analyse de l'ADN des bactéries du sol pour modéliser le fonctionnement de l'écosystème en fonction des caractéristiques du terrain viticole. Actuellement, l'entreprise se concentre sur la cartographie des bactéries des vignobles, fournissant des données utiles aux viticulteurs pour évaluer l'impact de leurs pratiques sur la santé microbiologique des sols. À terme, l'entreprise prévoit de développer des produits à base de bactéries clés du sol pour améliorer le fonctionnement des écosystèmes bactériens et renforcer la résilience des cultures face aux défis climatiques et environnementaux.
Qui est Starfish Bioscience ?
Starfish Bioscience est une jeune société bordelaise créée fin 2023 et dirigée par sa fondatrice, Sandrine Claus, experte des microbiotes. La société a pour ambition de développer des produits innovants dérivés de bactéries clés de voûte des sols afin de réparer les écosystèmes microbiens endommagés par les pratiques agricoles afin de renforcer le fonctionnement naturel de ces écosystèmes. Ainsi l'objectif de la société est d’agir pour optimiser le fonctionnement de l’écosystème microbien du sol pour maximiser sa performance.
La société est incubée par l'incubateur régional néo-aquitain UNITEC et par l'incubateur Start-Up Win spécialisé WineTech du groupe Bernard Magrez. Pour financer ses opérations, la jeune société a levé à ce jour 900 000 euros auprès de Seventure Partners un fond de Capital Investissement spécialisé dans les start-ups du microbiome. L’équipe est structurée autour de l’expertise de l’analyse des microbiotes avec un docteur en bioinformatique et un ingénieur agronome qui vient de rejoindre l’équipe en tant que directeur du développement.
Pourquoi est-il important de restaurer la biodiversité microbienne des sols viticoles ?
Les sols viticoles souffrent aujourd’hui d’un affaiblissement fonctionnel qui conduit à une altération de la disponibilité des nutriments pour les cultures et limite leur résilience face aux attaque de pathogènes et aux phénomènes de sécheresse et d’érosion. Or le recyclage des nutriments, la fixation du carbone et de l’azote, la rétention de l’humidité et la structuration du sol sont autant de services rendus par les micro-organismes qui forment la base de la biodiversité du sol. Aussi une communauté de micro-organismes en bonne santé joue naturellement un effet barrière face à l’invasion de pathogènes opportunistes qui ne trouvent pas de niche écologique où se développer.
Malheureusement, le manque de rotation de culture combiné au travail du sol et à l’utilisation d’intrants chimiques dans les vignobles a progressivement altéré les communautés microbiennes des sols viticoles qui sont aujourd’hui très endommagées. Régénérer cette biodiversité microbienne est donc essentiel pour optimiser la croissance des vignes et pérenniser les sols viticoles.
Qu’est-ce que le microbiote du sol ?
Le microbiote du sol est constitué d’une grande diversité d’organismes, parmi eux un grand nombre de bactéries, virus, archées, champignons et protistes. En termes de biomasse, un gramme de sol contient environ 1 million de bactéries, soit 1000 fois plus que de champignons. L’arrangement de cet écosystème complexe est dépendant d'un grand nombre de facteurs tel que la nature du sol, sa texture, son pH, la matière organique disponible, les conditions pédoclimatiques.
Quelles sont les solutions proposées ?
Aujourd'hui seulement 1 % des bactéries du sol sont connues. L'un des premiers défis auxquels on doit faire face est donc de compléter la connaissance des bactéries des sols viticoles. Pour ce faire, Starfish Bioscience travaille avec des domaines viticoles de renom afin d’y répertorier les micro-organismes présents. L’un de ces domaines est le Château La Tour Carnet du groupe Bernard Magrez où une cartographie des bactéries du vignoble et de leurs rôles est en cours d’établissement.
Sur la base de ces connaissances et d’une compréhension approfondie des relations entre fonctionnement de l’écosystème microbien et nature du sol, la société développera à terme de nouveaux produits dérivés de bactéries sélectionnées des sols pour répondre aux enjeux culturaux des vignobles.
Quelles sont les technologies employées ?
Starfish Bioscience exploite une technologie brevetée qui repose sur des outils d’analyse moléculaire de l’ADN microbien combiné à des algorithmes bioinformatiques permettant l’identification de bactéries essentielles au bon fonctionnement des écosystèmes microbiens des sols. Une fois identifiées, les bactéries d’intérêt seront isolées de l’environnement et formulées pour aboutir à un produit utilisable sous la forme d’une poudre mouillable à pulvériser dans les exploitations.
Plus précisément, pour comprendre les écosystèmes microbiens sans avoir besoin de cultiver les micro-organismes qui les composent, Starfish Bioscience utilise des technologies de séquençage de l'ADN microbien à très haute résolution. Ces technologies permettent de reconstituer les génomes des bactéries présentes dans les sols, ce qui permet d'en lire les fonctions. La société applique ensuite des algorithmes bio-informatique spécifiques qui reconstituent les interactions fonctionnelles entre les micro-organismes à l’échelle de la communauté. Cette modélisation permet de mettre en évidence les liens de coopération entre bactéries et d'identifier ainsi celles qui portent des fonctions essentielles à l'équilibre de l’écosystème. Ces bactéries qui agissent comme des biorégulateurs de la population microbienne sont appelées “clés de voûte”. Leur impact sur la communauté microbienne est très important car leur disparition s’accompagne d’une modification forte du fonctionnement de l’ensemble de la communauté, souvent aboutissant à une chute de la biodiversité.
Une fois les bactéries clés de voûte identifiées, la start-up élaborera des produits contenant une sélection de ces bactéries spécifiques pour répondre à des problèmes précis en fonction du type de sol rencontré. Comme 99% des bactéries du sol n’ont jamais été cultivées et que les bactéries d’intérêt ne figurent dans aucune collection, la société emploie une méthode d’isolement qui cible ces micro-organismes pour les extraire de l’environnement tout en maintenant leur viabilité.
Quelles applications de cette technologie sont envisagées ?
Les types d’application envisagés sont très divers. Par exemple, il sera possible de formuler des produits à base de bactéries clés de voûte qui optimiserons la performance de l’écosystème pour la production de polymères qui retiennent l’eau dans le sol pour limiter l’impact des périodes de sécheresse. De même, l’écosystème pourrait être orienté vers la production de polymères qui améliorent la cohésion des agrégats du sol afin d’en améliorer sa structure. D’autres exemples d’application incluent l’amélioration de la fixation d’azote par la communauté de micro-organismes pour limiter la dépendance aux engrais chimiques et l’optimisation du fonctionnement de l’écosystème pour limiter la propagation des pathogènes présents dans les sols.
Qui sont les partenaires scientifiques de la société ?
Pour réaliser l’ensemble des analyses et le développement des futurs produits, Starfish Bioscience s’appuie sur des acteurs publics et privés. En particulier, la société a un partenariat stratégique avec le laboratoire Bioaster, situé dans les locaux de l’Institut Pasteur à Paris. Bioaster est un acteur spécialisé dans le développement de solutions innovantes appliquées à la microbiologie pour les industriels. Outre ses capacités de séquençage de l’ADN microbien, le laboratoire porte notamment une expertise très forte dans la culture de bactéries fastidieuses, c’est-à-dire de bactéries rares dont les conditions de croissance sont mal connues. Ainsi la société s’appuie sur ce laboratoire pour développer des outils d’isolement et de culture de nouvelles bactéries clés de voûte des sols.
Quels bénéfices peut-on attendre de la régénération des microbiotes des sols ?
Les bénéfices attendus pour les domaines viticoles sont nombreux. Tout d'abord le développement en cours d’une cartographie fonctionnelle des microbiotes des sols viticoles permet aux exploitants de diagnostiquer l'état microbiologique de leurs sols. Ce diagnostic permet d’orienter des choix d’actions concrètes en faveur de la santé microbiologique du vignoble et de suivre leur impact au cours du temps.
À terme, réparer la biodiversité microbienne des sols viticoles permettra de réduire la quantité d’intrants chimiques nécessaires à la culture tout en offrant une meilleure tolérance aux stress biotiques et abiotiques et en limitant l’érosion du sol. Il s’agit donc d’accompagner les exploitants vers une production plus résiliente face aux changements climatiques tout en étant plus durable.
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