Pourquoi l’oenotourisme est le nouvel enjeu de fidélisation des consommateurs ?
CONFIDENCES D’EXPERTS
Comment se différencier ?
Cet article, rédigé par le Pool Conseil INNO’VIN, est le premier d’une série nommée « Confidences d’experts ». Ces publications ont pour objectif de fournir des pistes de réflexion autour de cinq grandes questions que se posent les producteurs.
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L’oenotourisme peut être considéré comme l’expérience ultime de l’art de vivre à la française. Attirer les amateurs de vins dans les domaines viticoles permet aux acteurs de la filière de se rapprocher du consommateur, de créer une relation durable, et d’augmenter la vente directe du producteur. C’est pourquoi l’oenotourisme devient une évolution essentielle de la filière vin, et d’autant plus avec les tensions conjoncturelles américaines ou asiatiques récentes. Selon Pascaline Lepeltier, meilleure sommelière de France en 2018 et qui travaille à New-York : « Si les américains ne peuvent plus boire de vins français chez eux, ils pourraient venir en vacances en France pour en déguster». Une solution pour pallier à la baisse de consommation et à l’augmentation des taxes serait donc de développer l’oenotourisme, tant sur le plan physique que numérique.
Pourquoi l’oenotourisme est le nouvel enjeu de fidélisation des consommateurs

Pour déployer son « environnement physique » le domaine peut développer des partenariats avec des apporteurs d’affaires locaux comme les hôtels, les restaurants, les offices de tourisme, etc. Ces apporteurs d’affaires permettent la recommandation gratuite du domaine car ces derniers apportent un service à leurs clients en devenant « conseillers de séjour ». Cette mise en relation permet au producteur de ne pas débourser les frais supplémentaires d’un intermédiaire plus traditionnel.
Le numérique possède lui aussi toute son importance puisqu’environ un tiers des français a déjà commandé en ligne*. On peut supposer qu’une bonne partie de ces acheteurs est déjà fidélisée à certains domaines et marques, et utilise internet pour faciliter ses processus d’achat. Cette fidélisation s’opère essentiellement par le biais de la dégustation dans un contexte agréable, où le consommateur sera plus à même de se souvenir de son expérience : quoi de mieux qu’une dégustation au domaine dans ce cas ? Ainsi, il peut être judicieux de proposer la possibilité de vivre cette expérience sur tous les moyens de communication possibles entre le producteur et le consommateur. A commencer par l’étiquette, qui est la première interface de communication : une mention type « expérience oenotouristique » sur la contre-étiquette est encore si peu exploitée. Pourtant, elle permet de renvoyer le consommateur aisément vers le site web du producteur qui devrait être une véritable vitrine pour ses produits, mais aussi pour sonoffre oenotouristique !
Selon Hervé Noveli, président du Conseil supérieur de l’oenotourisme : « Le digital a un rôle clé à jouer dans l’amélioration de l’accessibilité et donc la démocratisation de l’offre oenotouristique française. Il faut absolument faciliter la réservation de visites de caves et de dégustations […].» Afin de rendre son offre oenotouristique accessible et gagner en visibilité en ligne, le domaine peut faire des partenariats avec des apporteurs d’affaires numériques de la filière viticole, comme les sites des syndicats, des offices de tourisme, etc.
A l’heure où la population utilise de façon croissante la réservation en ligne plutôt que de prendre son téléphone, il devient aussi indispensable de proposer une interface de réservation des visites sur son site. Le numérique représente donc un vecteur de notoriété puissant pour les domaines viticoles afin de développer leur oenotourisme, mais encore sous exploité à ce jour.
Concernant la distribution, l’oenotourisme permet au domaine de valoriser sa vente directe. En vendant directement au caveau, il ne perd pas la marge qu’il aurait pu donner aux intermédiaires de ses canaux de distribution. Le lien entre le producteur et le consommateur est donc direct et durable. L’objectif du chiffre d’affaires minimum pour l’oenotourisme devrait ainsi se situer entre 10 et 15% du chiffre d’affaires total par entité. Il comprend la vente directe, les recettes des visites et autres activités, les goodies… Mais il faut également imaginer que la fidélisation du consommateur par le biais de l’oenotourisme amènera, à terme, une augmentation globale des ventes, puisque le domaine aura gagné en notoriété.
Le consommateur averti recherche une expérience mais surtout une expérience originale, différente. Il est donc important de repenser son parcours «vigne – chai – dégustation» d’un point de vue différent. De nombreux vignerons jouent cette carte décalée comme le château de Juliénas avec une visite des différents crus avec un Combi Volkswagen de 1964… le succès est au rendez-vous.
La découverte de la faune et de la flore et une meilleure compréhension du métier de vigneron est un axe original développé par la cave de Rauzan avec son parcours « biodiversité ». Il a permis la mise en place d’un projet de parcours pédestre à travers le vignoble, d’une distance de 5 kilomètres et jalonné de 12 écosystèmes différents. Chaque écosystème est décrit grâce à des pupitres d’information installés tout au long du circuit. Un inventaire et un suivi des espèces autochtones faunistiques et floristiques ont été réalisés avec la contribution du Conservatoire des Espaces Naturels, permettant d’analyser l’interaction entrele milieu naturel et la culture de la vigne.
Autre grande tendance : l’étape gastronomique et/ou chambre d’hôte liée à l’activité viticole. Le développement de l’attractivité de Bordeaux depuis le début des années 2000 grâce à sa grande richesse naturelle, historique, culinaire a permis un flot de tourisme de luxe non négligeable et, par conséquent, la mise en place d’une offre diversifiée et de grande qualité comme à Saint-Emilion. Cependant, doivent être pris en considération : unecrentabilité et une pénibilité qui réservent certainescsurprises, une concurrence effrénée et des tarifscsouvent faibles par rapport à la prestation offerte.
L’entité doit être capable de fixer des objectifs de rentabilité, de mesurer la fidélisation des visiteurs et de faire évoluer son offre tous les deux ans sur des thèmes différents. C’est pourquoi il est indispensable que la direction prenne en charge le management, la productivité des équipes, la pertinence des outils de développement, la formation de la prise en charge des visiteurs…en intégrant cette activité à la production et à la commercialisation du vin. Combien de domaines séparent encore totalement le « pôle oenotourisme » des autres, tant et si bien que personne ne comprend les métiers des uns et des autres ?
Enfin, comme pour l’hôtellerie / restauration, l’oenotourisme est un métier qui ne s’improvise pas ! Si vous pensez qu’il suffit de recruter un ou deux guides pour développer une activité oenotouristique durable et rentable, vous vous trompez : ceux qui investissent dans la stratégie et fournissent des outils à leurs équipe en récoltent désormais les fruits.
En bref : pour utiliser l’oenotourisme comme levier de fidélisation, quelques règles à suivre :
• bâtir une stratégie
• imaginer des expériences originales
• faire le lien dans ses outils de communication physique et digitaux
• et sutout… investir !
Auteurs : Estelle De Pins, ALLIANDRE – GDO ; Olivier Antoine Gény, AOC CONSEILS
Crédit photo : Aoc Conseils